Voici l’histoire d’une œuvre en cours. Il s’agit, presque jour après jour, de la chronique de la rédaction de ce qui devait être au départ un « roman historique » : La Roue rouge, dont le coeur est la révolution de 1917. Les approches du récit vont changer, se transformer au fil des années. Voici donc une chronique allant des années 1960 à l’année 1991, qui marque l’effondrement du bloc communiste à l’est. C’est aussi la prise de conscience de l’auteur qu’au fil du temps qui passe il lui faut réexaminer totalement son projet littéraire initial, aux dimensions démesurées.
Le Journal de la Roue rouge décrit pas à pas l’écriture de l’œuvre majeure d’Alexandre Soljénitsyne : La Roue rouge. Dans ce « roman » (un peu comme Tolstoï dans Guerre et paix) l’auteur s’interroge sur ses propres origines, il les recherche dans l’histoire, et donc dans l’événement créateur de l’Union soviétique, la révolution de 1917. Il décrypte avec minutie l’enchaînement des faits, mettant en mouvement la matière historique, telle une roue que rien n’arrête dans sa course. Dès sa prime jeunesse, il avait entrevu l’édification de ce projet colossal. Mais ce Journal met en lumière la seule et même motivation profonde de tous ses livres, que ce soit La Roue rouge, Une journée d’Ivan Denissovitchou L’Archipel du Goulag : écrire au nom des siens, témoigner au nom de tous ceux qui ont été anéantis, réduits au silence et calomniés. Derrière la masse des faits historiques, l’écrivain cherche les causes cachées, accessibles à la seule intuition littéraire. Il devient un super-historien, chargé non seulement de retrouver la vérité, mais de rendre justice à tous ceux que la Roue de l’histoire a écrasés.
Chronique de l’écriture d’une œuvre démesurée qu’il devra interrompre bien avant que soit réalisé le projet initial, Le Journal de la Roue rouge est aussi un véritable journal intime où se reflètent, au cœur même de l’atelier de l’écrivain, son itinéraire spirituel et intellectuel et les principaux faits d’une biographie personnelle qui se fond avec l’Histoire, ainsi lorsque la publication de L’Archipel du Goulag « explose » en Occident.
Pour ceux qu’effraie le volume de La Roue rouge, ce Journal peut permettre de l’aborder plus facilement. Toutefois, il est une œuvre au sens plein du terme, qui se suffit à elle-même et témoigne d’une expérience de création littéraire hors du commun.Editions Fayard, traduction Françoise Lesourd, 704 p.
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