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"2 Juin 1960", à l'occasion du 60ème anniversaire du décès de Boris Pasternak

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020


Boris Pasternak
Boris Pasternak

En juillet 1958, Jacqueline de Proyart envoya à Boris Pasternak une carte postale représentant l’église romane de Sainte-Radegonde à Talmont-sur-Gironde. Il répondit : « Chère, chère Jacqueline, entrons dans cette ancienne église de Talmont, bien qu’à ce qu’il semble les offices n’y soient pas célébrés, et louons Dieu de ce que l’image de ce temple fût le premier message de vous que j’ai reçu. »


Louons Dieu, nous aussi, que le soixantième anniversaire de la mort du poète nous le propose aussi juvénile, aussi enthousiaste, aussi intrépide qu’il fut toute sa vie. De son œuvre, rien n’a vieilli.

C’était il y a soixante ans. On venait d’apprendre la mort du poète. Des affichettes à la gare de Kiev indiquait le lieu et l’heure des obsèques. Irina et moi étions allés lui dire adieu chez lui, dans la maison grande ouverte de Peredelkino. Il était redevenu jeune. Lisez les pages qu’Irina Emelianova consacre à cette journée inoubliable. « Ce jour-là, le hasard fit confluer à Peredelkino une multitude de destins que Pasternak avait conviés et unis par sa mort » (1).


« Conviés et unis », c’était bien ce que je ressentais, en pleurant. Le cimetière est aujourd’hui méconnaissable, peuplé de tombes serrées et le ciel obscurci par les frondaisons. Ce jour-là le poète reposait tout seul, sous les trois pins, le ciel était immense, la petite foule des adorateurs comme en extase mystique. Et l’un après l’autre les poèmes étaient récités, jusque tard dans le soir. Comme si l’adieu était inachevable. Tous sentaient qu’on était entré dans un temple invisible, lyrique, habité par Dieu. Les offices n’y étaient pas célébrés, mais la louange en était la voûte, solide et parfaite, elle nous conviait et elle nous unissait, et nous unit...


Georges Nivat


1 Irina Emelianova, Légendes de la rue Potapov, Éditions des Syrtes, 2020, pages 184-205.

 

Georges Nivat, slavisant, essayiste, professeur honoraire à l’Université de Genève. Traducteur d'André Biély, Gogol, Siniavski, Brodsky, Soljénitsyne. Auteur d’une douzaine d’ouvrages. Commissaire de quatre expositions à Genève et Paris. Derniers ouvrages en français : les Trois âges russes (Fayard, 2015), Alexandre Soljenitsyne, Un écrivain en lutte avec son siècle (Les Syrtes, 2018), Les Sites de la mémoire russe, tome II (Fayard, 2019). En russe : Русофил, (Moscou, Izd. Eleny Shubinoj). Il s’agit d’un ouvrage d’Alexandre Arkhangelski qui a pour sous-titre : La vie de Georges Nivat racontée par lui-même.

Site internet http//nivat.free.fr (liens sur plusieurs ouvrages en accès libre).

Georges Nivat
Georges Nivat

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